Kurokami No Captured

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Au-delà du système solaire s’étend le Cosmos bleu, l’atmosphère y est respirable et un écosystème particulier le régit. L’entité MOTHER a crée 4 espèces dans l’infinité et exige de ses enfants un tribut ainsi qu’une totale dévotion.
Manji, son fils Captured et la possessive Camel tiennent un restaurant de ramen (nouilles de farine de blé avec assaisonnement). Cette occupation est une couverture permettant de parcourir librement Land Star en quête de trésors. Originaire du Japon, Manji doit collecter 40 milliards en monnaie locale pour s’acheter le Warp Ship, un vaisseau qui lui permettrait de regagner la Terre. La crinière noire de Captured est source de mépris et de discrimination. Le garçon est en effet le seul dans cet univers à posséder une telle couleur de cheveux. Facilement identifiable, le terrien est poursuivi par une maudite réputation, ce qui lui vaut la crainte et l’antipathie des différents peuples. Autre caractéristique, il a la faculté de transformer son bras gauche en redoutable épée. Autrefois existaient 26 dieux démoniaques à la force invincible. Ils décimèrent les hommes mais furent faits prisonniers, canalisés à l’intérieur d’anneaux, par des prières. Une lettre de l’alphabet est inscrite sur chaque bague, définissant le niveau de son propriétaire, et lui confère le titre de Spect’Master. Captured est l’un d’eux et ne croit pas en la providence, au destin ou à la fatalité. Il se met donc en tête d’abattre MOTHER afin de changer le monde.

Martyrisé pendant son enfance, Captured est tiraillé entre ce qu’il est et ce qu’il croit être. Il est écartelé entre ses tendances profondes et son comportement extérieur. Dès le début, il vise la perte du système engendré par MOTHER, mais qu’espère-t-il à la place ? Il n’en sait rien. Ce qu’il sait c’est qu’il veut oublier sa faiblesse passée et être le meilleur. Il veut surtout être supérieur. Pourquoi ? Parce qu’il se sent inférieur. A travers le combat, il retrouve un semblant d’équilibre. Mais l’échappatoire empruntée occulte la vérité et le bonheur. Le refoulement du garçon se traduit par l’idée fixe d’annihiler MOTHER et il projette sa haine sur le système. Sa rancune cultivée par les brimades de l’enfance est un ressentiment tenace, couvé telle une maladie. C’est une obstination, signe de faiblesse et de peur. Captured rumine ses rancunes et l’enrobe d’éléments qui ne correspondent plus à la réalité. Général, le démon enfermé dans l’anneau, lui apprend à utiliser au mieux sa force, sa rancune via l’épée. Captured devient au fil des épreuves accroc au pouvoir démoniaque. Lorsqu’il est sur le point de mourir, déchiqueté par Cradle, et laissé pour mort, la bague représente l’unique moyen de régénération.
Le combat contre Mayer illustre le tiraillement du terrien qui préfère ne pas achever son adversaire, dont le seul crime est d’être du mauvais côté de la barrière. Captured l’épargne, étant persuadé qu’ils peuvent devenir amis une fois le monde changé. En fin de parcours, Captured pardonne à Camel, et reconnaît enfin qu’il incarne davantage le mensonge qu’elle. Laissant Manji repartir seul vers la Terre, il s’entraîne désormais avec Steiner et abandonne définitivement la bague démoniaque. Il n’a pas anéanti MOTHER mais le monde a changé, un déclic s’est opéré chez les peuples asservis. Aujourd’hui, Captured s’efforce à devenir un homme fort et compréhensif, n’éprouvant plus la moindre rancune. Avant de vouloir changer le monde, apprenons à changer soi-même, tel est le message de Kurokami No Captured.

MITA-sensei aime entourer son héros de jolies filles à la silhouette caractéristique. Camel paraît la plus ingénue et possessive, mais se révèle être l’héritière légitime de MOTHER ! Détentrice d’un programme, elle analyse le terrien et transmet les infos à la source mère. Pour Captured, Camel représente le dernier rempart l’empêchant d’embrasser le côté obscur de la force. Camel change à son contact, l’amour naît en elle. Quand la vérité se dévoile, elle anéantit psychologiquement le garçon. Une nouvelle fois tromper, il pense avoir tout perdu. Son humanité s’éclipse et il acquiert une nouvelle déclinaison de son arme, plus destructrice et assoiffée de sang. La sauvage Moonsault est le produit type créé par le système. De sa bouche sortent les 3 infernaux. Après sa défaite contre le terrien, elle se repentit. Ce qui ne l’empêche pas de retourner sa veste lorsqu’il abat Fulnelson, un des 4 Grands Sacrés. Elle est trahie à son tour par la sculpturale Sumersault, son mentor. Malgré elle, Captured lui sauve la vie. Moonsault découvre un sentiment étrange et inédit dans son coeur. Notons qu’elle se sert de l’ordinateur pour décrypter la nouvelle sensation. Doit-on comprendre que, tel un gourou, MOTHER brime la réflexion personnelle chez ses enfants ? Forte de cet amour naissant, Moonsault part aider Captured et Camel lors du combat final, et ce, en caressant le souhait de faire de Captured un homme heureux, quitte à l’abandonner à sa rivale. Tout comme Captured, la farouche Steiner a eu une enfance difficile. Très jeune, elle est transportée par erreur sur une planète peuplée uniquement d’hommes. Elle subit le martyr jusqu’au jour où Franken intervient. Pour faire face, elle apprend l’escrime et devient une garçonne. Tout comme Captured, elle refuse de fuir ce monde pourri. Dans la forteresse de Fulnelson, Steiner est mise à mal et déshabillée devant l’assemblée mais grâce à elle le terrien échappe à la mort puis élimine Fulnelson. Avisée en affaire, Face est indic et receleuse en trésors. Amie de Manji, elle lâche involontairement le secret entourant la mort de Sursher, la mère de Captured, assassinée pour s’être unie avec un terrien. La fidèle Plancha voue à Moonsault une admiration sans borne, Sa maîtresse la subjugue par son regard glacial et sa façon de tenir la dragée haute aux plus terribles. D’abord affectée par le changement de Moonsault, elle se sacrifie pour épargner l’élue de son coeur. Les 4 Grands Sacrés, Sumersault (Sud), Splash (Nord), Fulnelson (Ouest) et Avalanche (Est), refusent de mettre en péril le cosmos et MOTHER. Tels les chevaliers d’or dans Saint Seiya, ils ont juré loyauté à MOTHER et ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Fulnelson est évincé par Captured, ce qui déclenche le rush final et leur courroux. De son côté, Avalanche orchestre un putsch : associé au Dr. Bomb, il tente un lavage de cerveau sur Camel pour en prendre le contrôle et obtenir le Pouvoir. Détenteur de la bague la plus haute gradée, Splash ridiculise Captured et promet une punition plus sévère que la peine capitale. Autrement dit, il s’attaque indirectement au terrien en décimant ses proches.

Quant à Manji, il reconnaît être un couard, choisissant la fuite plutôt que combattre les assassins de sa femme. Cependant, il obéit à la dernière volonté de celle-ci qui l’a supplié de protéger Captured avant tout.

La situation de Captured incite à zoomer sur la société japonaise. Au préalable, un mot vient immédiatement à l’esprit : ” ijime “. Dans les écoles, cela désigne les brimades exercées à l’encontre de souffre douleur. Captured est confronté très jeune à cette violence : mise à l’écart, ostracisme, intimidations. Dans le manga, Captured croit renier son passé en devenant un Spect’Master. Au pays du soleil levant, la discrimination concerne 3 groupes : D’abord les Aïnus, habitants les plus anciens de l’archipel. Ce peuple a un destin proche de celui des indiens d’Amérique : vivant principalement de chasse et de pêche, ils furent progressivement parqués par les colons japonais venus du Sud. Pendant longtemps, une totale discrimination s’opérait au niveau de l’emploi et dans les relations humaines. Victimes durant l’enfance d’exclusions, ils ont enduré railleries ou jeux de mots douteux par rapprochement des mots Aïnus et ” inu ” (chien). Ensuite viennent les Burakumin Ce mot est l’abréviation de tokushu-buraku (hameaux spéciaux). Atteignant les 3 millions d’individus, c’est la minorité la plus importante. Toute proportion gardée, la situation de Captured s’en rapproche. Depuis toujours, ils sont frappés d’ostracisme par la majorité des japonais. Pourtant, rien ne différencie les burakumin des autres japonais. Alors pourquoi subissent-ils l’oeil noir de leurs concitoyens ? On dit que leurs ancêtres attiraient malédiction et mort en exerçant leurs métiers (fossoyeurs, bouchers, corroyeurs). Cette pensée découle du Shintô et du Bouddhisme. Quand vint la Restauration de Meiji (1868), l’abolition des classes sociales traditionnelles s’enclenche et la discrimination disparaît, du moins officiellement. Diverses associations tentent de faire avancer les choses, en vain. Certains burakumin s’engagent à effacer toute trace de leur passé en déménageant plusieurs fois et en se fondant dans le rameau principal. Hélas, des détectives privés s’emploient à repérer les descendants des parias. Quand la vérité éclate, des drames s’ensuivent. Malgré la prospérité des burakumin dans les nouvelles activités industrielles ou commerciales, une partie des japonais évite encore la fréquentation ou la contraction d’alliance. Sur le plan éthique et social, ce racisme embarrasse le Gouvernement japonais. Enfin, les coréens ont fait l’objet de discrimination après l’annexion de la Corée en 1910. Actuellement, on dénombre 700 000 coréens au Japon. Quoique parfaitement assimilés, ils possèdent toujours le statut d’étranger et doivent renouveler leur visa régulièrement. Il fut même un temps où ils devaient donner leurs empreintes digitales! Face au grand nombre de refus, ce dernier point s’est vu modifié dans la législation. L’abandon de leur nom coréen va de pair avec toute demande de nationalisation Trop d’obstacles mènent aux postes importants, par conséquent ils se rabattent sur les professions des milieux de la distraction et du loisir. Il faut savoir que le terme chôsenjin (coréen), est une insulte dans la bouche d’un japonais.

Elargissons le débat : la discrimination est le fait de refuser d’accorder à quelqu’un le même statut qu’à soi. De par cette définition, les femmes japonaises se réclament la minorité la plus importante ! La situation des femmes et des coréens prouve l’existence de la discrimination au Japon mais sa structure n’est pas très différente en France. Seulement au Japon, le processus n’évolue pas au même rythme. C’est davantage une différence de degré que de nature. Au sujet des burakumin, ils ne sont pas logés à la même enseigne car leur situation s’enracine dans la culture et les croyances. Heureusement, cette attitude s’atténue avec le temps.

MITA-sensei est né un 24 août et admire TEZUKA Osamu et MIYAMOTO Shigeru (à l’origine des jeux Super Mario Bros et Legend of Zelda). Il officie dans divers magazines comme les mensuels G Fantasy ou Dragon Comics. Son thème de prédilection est le genre fantasy et n’hésite pas à mêler univers médiéval et futur technologique, comme dans Kurokami No Captured. Ses talents d’illustrateurs sont reconnus et MITA-sensei orne à la pelle Trading card, Telephon card ou le jeu de cartes Monster Collection 2. Il a entre autre participé à Koa Comics via ” Sailor fuku anthologie “ issu de Koamagazine. Citons également son Comic Mega Cube Mita Chara Doll. Il partage son site Internet avec Mlle OGASHIMA Chiaki, mangaka et illustratrice. Chacun a sensiblement le même parcours et les mêmes occupations.
Le scénario de Kurokami No Captured est typique du genre et ne brille pas par ses rebondissements. Mais l’intérêt principal réside dans le style graphique de MITA-sensei, reconnaissable entre mille : Incisif, les formes sont taillées au rasoir, hérissées d’angles agressifs. Lors des scènes d’action, l’auteur s’investit pleinement et cela est palpable. D’apparence frêle, le corps des personnages principaux bouillonne d’énergie, se distordent, plient mais rompent rarement, ou juste en partie (un bras arraché, des doigts qui volent, rien de bien grave en somme !). Ce que l’on remarque de suite, ce sont les silhouettes féminines (ça, c’est du shônen manga !) et la particularité des regards, quasi félins. Le mangaka dessine sans nul doute les yeux les plus beaux et les plus détaillés de la Manga. Un véritable régal pour… les yeux ! Les corps des demoiselles rappellent la pin-up de Tex AVERY, mais l’auteur japonais a pris soin d’accentuer au maximum les courbes : doigts effilés, bras fins, poitrine généreuse, taille extra-guêpe, hanches larges, postérieur musclé, cuisses confortables, pieds menus. En un croquis, MITA-sensei rassemble les fantasmes des hommes et les objectifs des femmes ! Parfois on se demande comment les belles ne ses cassent pas en 2, le bas de la colonne vertébrale brisée nette. Le découpage des planches ne requiert pas d’originalité, les décors sont traditionnels mais certains sont très travaillés. Aventure, humour, action s’alternent agréablement et permet un bon divertissement. MITA-sensei tranche dans le vif en nous livrant tantôt des SD, tantôt des apparences matures. D’ailleurs, quelques SD simplistes rappellent fortement Angelic Layer. L’oeuvre de MITA-sensei étant sorti bien avant le titre de CLAMP, la déduction est facile… Les 4 pages couleur au début de chaque volume nous offrent la possibilité de contempler 3 belles illustrations, dont une double page. Les couverture.

Même si Kurokami No Captured est destiné aux inconditionnels de fantasy, la seconde partie des lecteurs y trouve son compte et ne peut, de toute manière, snober un design aussi percutant. Un conseil, laissez-vous capturer !

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